Au cours de l'audience de ce jeudi 06 février 2020, la défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé s'est prononcée sur les observations de la République de Côte d'Ivoire représentées par Me Jean-pierre Mignard, dernier intervenant selon l'ordre de passage communiqué par la Chambre d'Appel.
La réponse de la défense de Laurent Gbagbo
Suite aux observations faites par la République de Côte d’Ivoire, Me Nahouri en sa qualité d’avocate de M.Laurent Gbagbo, a précisé que la République de Côte d’Ivoire a été invitée à participer au procès en tant que « amicus curiae » c'est-à -dire « ami de la Cour ». Agissant comme telle, elle doit disposer d’une expertise ou d’un savoir particulier qui fonde sa légitimité.
Elle ne doit pas s’interférer dans la procédure en revêtant le costume des parties au procès. Or, il ressort des soumissions écrites et orales des Représentants de la République de Côte d’Ivoire qu’il s’agit de s’opposer à la liberté de M. Laurent Gbagbo. Lesquelles soumissions sont pour elle de nature politiques. En effet, sur le désordre que causerait le retour de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire, Me Nahouri a relevé qu'il s'agit d'une affirmation gratuite allant d'ailleurs à l'encontre des désirs exprimés par un "éventail large" de la classe politique ivoirienne et de la société civile qui estiment plutôt que son retour et sa participation à la vie publique de son pays " aurait un effet d'appaisement et contribuerait à un vrai processus de reconciliation nationale". Sur le plan juridique, l’analyse des observations de la République de Côte d’Ivoire montre qu’elles sont fondées sur une méconnaissance profonde et radicale de la procédure. L’objectif est de s’opposer à tout prix au retour de M. Laurent Gbagbo avant les élections d’octobre 2020 et laisser libre court au Président Alassane Ouattara. Les évènements récents survenus en Côte d’Ivoire, notamment l’arrestation de certains députés et la poursuite de certains opposants dont M. Soro Guillaume, en témoignent. Pour elle, la démarche des Représentants de la République de Côte d’Ivoire est inappropriée et étonnante, à la lumière des propos de M. Ouattara qui le 30 novembre 2019 (Vidéo CIV D 15 0004 2952) déclarait ne pas se mêler de la procédure. Par conséquent, la défense demande à la Chambre d'Appel d’ignorer les observations de République de Côte d’Ivoire. .
La réponse de la défense de Blé Goudé
Sur le risque de fuite allégué par les avocats de la République de Côte d’Ivoire, le Conseil de Charles Blé Goudé a émis de très sérieuses réserves. Pour lui, après une décision d’acquittement prononcée le 15 janvier 2020, il apparait que la personne acquittée jouisse pleinement de sa liberté d’aller et de venir. L’hypothèse d’une fuite est alors incompatible et improbable vu qu’une décision d’acquittement est acquise à M.Charles Blé Goudé.
Sur la sécurité des victimes, il a rappelé que la majorité des témoins vivent en Côte d’Ivoire et qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune pression depuis leur retour. Selon lui, il serait inacceptable d’avancer l’hypothèse d’une « menace chimérique » qui pèserait sur des témoins si une personne est libérée sans condition.
Sur la mission de la justice, un préalable à la réconciliation, Me N’dri s’interroge en ces termes : « faut –il entendre par justice qu’un innocent soit condamné pour que justice soit faite ? », « Ce serait alors la pire des justices ! » soutient l’avocat de Charles Blé Goudé.
In fine à la question du juge Président de la Chambre d’Appel, relative à la condamnation par contumace de M. Charles Blé Goudé, Me N’dri affirme que conformément à l’article 354 du Code de Procédure Pénale ivoirien portant sur les conditions de la condamnation par contumace, l’accusé absent sans excuse valable à l’ouverture de l’audience est jugé par contumace. Pourtant, lors de la condamnation à Abidjan de M. Charles Blé Goudé se trouvait à la Haye en raison de l’arrêt du 1er février 2020.
Au terme de l’audience de ce jeudi 06 Février 2020, les parties ont été conviées à déposer les observations écrites demain vendredi 07 février 2020 à 16 heures, heure de la Haye. Après quoi la chambre d’Appel communiquera sa décision.